L’espace de liberté des cours d’eau est un mode de gestion peu connu au Québec et par conséquent il semble qu’aucun projet d’application n’ait été réalisé. Ce mode de gestion consiste à laisser l’eau s’écouler naturellement en fonction des processus hydrogéomorphologiques, limitant ainsi les interventions anthropiques sur les rives inondées ou objets d’érosion. Certains auteurs y associent alors l’espace d’inondation et l’espace de mobilité.
Une étude a été publiée en 2013 par un groupe de chercheurs associés à OURANOS et dirigée par Pascal Biron, Espace de liberté : un cadre de gestion intégrée pour la conservation des cours d’eau dans un contexte de changements climatiques. Dans cette étude, une cartographie de trois cours d’eau a été réalisée selon des niveaux d’inondabilité, en tenant compte de la fréquence des inondations, et des niveaux de mobilité, en tenant compte de l’amplitude des méandres et des milieux humides. Ce qui a permis d’établir les endroits où aucun aménagement ne devrait être fait et ceux dont l’aménagement devait être géré en fonction des risques. Cette étude a aussi montré que selon l’analyse des coûts et bénéfices, l’aménagement selon cette approche serait économiquement avantageux pour la société puisque les coûts de stabilisation des berges seraient réduits et que les bandes riveraines et les milieux humides rendraient des services écologiques considérables, cela même avec compensation financière pour les agriculteurs.
En 2015, Pierluc Marcoux-Viel, étudiant du Centre universitaire de formation en environnement de l’Université de Sherbrooke, a produit un essai Espace de liberté des cours d’eau : s’inspirer des meilleures pratiques pour définir un cadre de gestion québécois. Cet essai présente, après analyse de trois juridictions qui ont appliqué la gestion par espace de liberté, les contraintes à considérer et les exigences pour que ce mode de gestion soit concrétisé au Québec. Selon l’auteur, les contraintes sont d’ordre politique, social et financier. Il fait référence à la volonté politique des élus, à l’acceptabilité sociale de ce mode de gestion et aux ressources restreintes des municipalités régionales de comtés, des municipalités et des organismes de bassin versant. Il invite les acteurs de l’eau, et en particulier les OBV, à un important travail d’éducation et de conscientisation pour mobiliser ces acteurs avec des arguments économiques et arguments sur les bienfaits apportés par ce mode de gestion pour la sécurité en réduisant les inondations. Comme dans les juridictions étudiées. Il serait pertinent selon lui de réaliser des relevés écomorphologiques afin d’avoir un portrait de la situation sur le bassin versant. Ce travail pourrait être effectué par les OBV avec l’appui des instances gouvernementales et pourquoi pas financé par le Fonds vert. Ces espaces de liberté devraient faire l’objet de servitudes de conservation pour compenser les propriétaires et évidemment être intégrés dans les documents d’urbanismes.
Ce mode de gestion exige un leadership fort du gouvernement et des élus municipaux, une concertation réelle de tous les acteurs, des ressources appropriées et des programmes de compensation efficace. Les OBV du Québec devraient mobiliser les acteurs de leur zone pour mettre en place ce mode de gestion intégrée. Le COGESAF a planifié dans son prochain PDE des actions en ce sens avec un projet d’étude hydrodynamique sur la rivière Tomifobia et un projet de corridor de liberté sur la rivière Coaticook.